Il existe dans la nature une petite histoire étonnante : certaines figues ne peuvent être fécondées que grâce à une minuscule guêpe, qui, en y entrant, dépose le pollen… et meurt à l’intérieur. De ce sacrifice naît la vie. Quelle parabole saisissante du Christ, qui a donné sa vie pour que le monde porte du fruit éternel !
Le figuier, si souvent mentionné dans la Bible, devient alors un véritable appel à la fécondité spirituelle. Arbre méditerranéen par excellence, il est associé tantôt à la paix et à l’abondance, tantôt au jugement de Dieu lorsqu’il ne donne plus de fruits. Dans sa symbolique, il nous parle de notre relation à Dieu, de la stérilité de nos vies sans Lui, mais aussi de la fécondité qui jaillit du sacrifice du Christ.

Un arbre chargé de symboles
Le figuier est, avec la vigne et l’olivier, l’un des arbres les plus présents dans la Bible. Arbre méditerranéen par excellence, il évoque la douceur, la paix et l’abondance : « Ils demeureront chacun sous sa vigne et son figuier, et personne pour les troubler. » (Mi 4, 4). Mais il est aussi le signe du jugement de Dieu : quand la vigne et le figuier ne donnent plus de fruits, c’est l’image d’un peuple qui s’éloigne de son Créateur (cf. Jr 8, 13).
Comme tout arbre, le figuier porte en lui une symbolique spirituelle : il peut être luxuriant et fécond, ou au contraire stérile et desséché. En lui se joue l’alternative de notre vie : porter du fruit ou rester infructueux. Et derrière cette image, il y a l’appel que Dieu nous adresse, encore aujourd’hui.
Le figuier et la patience de Dieu
Dans la tradition biblique, le figuier stérile renvoie au cœur humain qui refuse de donner sa part d’amour et de justice. Jésus lui-même raconte une parabole éclairante : celle du figuier stérile (Lc 13, 6-9). Le maître de la vigne veut l’arracher, puisqu’il ne donne aucun fruit. Mais le vigneron plaide pour lui : « Laisse-le encore cette année, le temps que je bêche tout autour et que je mette du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir… »
Ce récit révèle le cœur de Dieu : il ne condamne pas d’emblée, il patiente, il espère, il donne encore du temps pour la conversion (cf. 2 P 3, 9). Sa miséricorde précède toujours son jugement. Mais il attend des fruits. Non pas des performances spectaculaires, mais les fruits simples et vrais de la bonté, de la justice et de la fidélité.
Le figuier et la Loi ancienne
Dans l’Évangile de Jean, Nathanaël est rencontré par Jésus « sous le figuier » (Jn 1, 48). Pour les rabbins, le figuier était le lieu symbolique de l’étude de la Loi. On y voit donc l’image du croyant fidèle, assidu à la méditation de la Torah. Jésus salue Nathanaël comme un véritable Israélite sans ruse, instruit de la Torah.
Mais à l’époque du Christ, la Loi, prise dans un carcan légaliste, ne produit plus les fruits attendus. Le culte au Temple s’est sclérosé. C’est ce que signifie le geste prophétique du figuier desséché (Mc 11, 12-14.20-21). En le maudissant, Jésus ne s’attaque pas à la nature mais annonce la fin d’un culte stérile, incapable de donner la vie. Il révèle qu’un autre culte est déjà inauguré : celui qui se déploie dans le véritable temple, son propre Corps livré et ressuscité. D’ailleurs, cet épisode du figuier stérile enchâsse l’épisode des marchands chassés du Temple dans lequel Jésus annonce la fin du Temple. Ainsi Jésus n’abolit pas la Loi, mais il l’accomplit. Il en fait jaillir la sève nouvelle : l’amour. Là où l’ancienne Alliance se desséchait, la Loi nouvelle ouvre un horizon de fécondité.
La fécondité mystérieuse : la guêpe sacrifiée
La nature elle-même nous offre parfois des paraboles étonnantes. Le figuier, encore une fois, en est porteur. Certaines de ses variétés ne peuvent porter de fruit que grâce à une petite guêpe, la Blastophaga psenes. Celle-ci, en entrant dans la figue, dépose le pollen qui la féconde, mais, prisonnière, elle y meurt. C’est par ce sacrifice discret que la figue peut se développer et donner un fruit savoureux (même si ce qu’on mange est plutôt la poche contenant une multitude de fruits).
Quelle image saisissante du mystère du Christ ! Lui aussi a donné sa vie pour féconder le monde. Aux yeux des hommes, sa mort pouvait sembler inutile, un échec. Mais en vérité, de ce sacrifice est née une fécondité inouïe : la vie éternelle offerte à tous.
Comme la petite guêpe, Jésus a pénétré dans notre humanité fragile, il y a laissé sa vie. Et ce don total est devenu source de vie pour l’humanité entière.
Conclusion : quel fruit portons-nous ?
Le figuier est un miroir de notre propre vie spirituelle. Sommes-nous stériles ou féconds ? Portons-nous des fruits de conversion, d’amour, de justice ? La patience de Dieu nous accompagne, mais vient le temps où il nous demande de choisir : laisser notre vie se dessécher, ou accueillir sa grâce pour qu’elle devienne féconde. Méditons-nous la loi nouvelle pour l’appliquer chaque jour dans notre vie ?
Le Christ, par son sacrifice, a déjà fécondé le monde. Il a fait jaillir une source de vie que rien ne pourra éteindre. À nous de demeurer en lui pour que notre existence, à son tour, devienne un fruit offert pour la vie des autres.