Introduction : Une parole fondatrice
« Que la lumière soit » (Gn 1,3).
Ces quatre mots sont la première parole prononcée par Dieu dans la Bible, au commencement de toute chose. Avant la vie, avant les formes, avant l’eau, avant même les couleurs du monde, il y a cette irruption fulgurante de lumière. Elle ne naît pas d’un mouvement naturel : elle jaillit d’une parole. Et cette parole inaugure tout le reste, elle rend possible l’ensemble de la Création.
La lumière devient ainsi le symbole premier de la présence créatrice et bienveillante de Dieu. Elle dit la vie, la clarté, la promesse ; elle dit surtout que Dieu ne laisse pas le chaos, la nuit ou la peur avoir le dernier mot. À partir de cette parole fondatrice, la vie peut sortir du néant et des ténèbres, elle peut naître à la lumière. La beauté peut alors habiller le monde.
Dans cet article, au cœur de ce temps de veille qu’est l’Avent, nous parcourons la Bible comme on emprunte un chemin balisé de lampes : une traversée, de la Genèse à l’Apocalypse, pour comprendre comment la lumière devient un langage de Dieu adressé à son peuple… et à chacun de nous.

1. La lumière dans la Genèse : création, ordre et vie
Dans le tout premier récit, la lumière apparaît avant le soleil et la lune. Elle ne dépend donc pas d’un astre : elle est donnée directement par Dieu. En séparant la lumière des ténèbres, Dieu inscrit un ordre dans le monde naissant. La lumière structure ce qui était informe ; elle permet à tout le reste d’exister, de croître, d’apparaître. La lumière est la condition pour que tout sorte du chaos, du néant, de l’invisible. La lumière, c’est en fait l’intelligence divine qui baigne et inonde le monde.
Symboliquement, la lumière divine organise, dévoile et révèle, met en chemin, donne sens. Lorsque Dieu dit « Que la lumière soit », il nous dit déjà ce qu’il fera tout au long de l’histoire : éclairer, ordonner, rendre possible la vie.
2. La lumière qui guide : Dieu compagnon de route
Dans l’Exode, la lumière prend la forme d’un compagnon de route. La colonne de feu qui guide le peuple dans la nuit, la nuée lumineuse, qui le protègent dans sa fuite d’Égypte et sa marche au désert (Ex 13–14), manifestent un Dieu proche, attentif, qui marche avec les siens et les guide. La lumière symbolise alors l’orientation, le réconfort, la vigilance, la sécurité. Dieu accompagne en permanence la marche de son peuple.
La Bible reprend souvent cette idée : « Ta parole est une lampe pour mes pas, une lumière sur ma route » (Ps 119 (118), 105). Tout don de Dieu, et en particulier sa Parole, soutient, guide, révèle le bon chemin, à la manière d’une lumière. Dieu n’ôte pas la nuit du monde, mais il y trace un chemin qui mène de manière sûre vers la vraie vie. Il donne la lumière nécessaire pour faire un pas… puis un autre.
3. La lumière prophétique : promesse de salut
Les prophètes reprennent sans surprise l’image radieuse de la lumière lorsqu’ils annoncent la venue du Messie. Isaïe proclame : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière » (Is 9,1). Il s’agit d’une aurore : un jour nouveau, une espérance qui se lève sur les blessures et les exils. Les chemins d’errance n’existeront plus le jour où la vraie lumière se sera levée, renouvelant tout avec elle.
Évidemment cette lumière n’est pas réservée au peuple élu, elle vient illuminer la terre entière et toutes les nations qui l’habitent. Dieu appelle donc son peuple à être « lumière des nations » (Is 42, 6), vocation que Paul reprendra à son compte, justifiant son annonce de l’Évangile aux païens (Ac 13, 47). En portant cette lumière, le peuple de Dieu est appelé à montrer à tous le chemin de la vraie vie, du salut.
4. La lumière comme présence et joie de Dieu
Les psaumes manifestent une forte présence de la lumière pour chanter la vie spirituelle et le lien à Dieu. Dieu lui-même est lumière, il est même la lumière véritable : « en toi est la source de vie, par ta lumière nous voyons la lumière » (Ps 36 (35), 10). Elle est le signe de sa beauté : « drapé de lumière comme d’un manteau » (Ps 104 (103), 2).
Les déclinaisons du thème sont nombreuses dans la bouche du psalmiste. Il clame : « Le Seigneur Dieu est soleil et bouclier » (Ps 84 (83), 11). La lumière ici évoque à la fois chaleur, vie, protection. Il peut aussi dire : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut » (Ps 27 (26), 1). La lumière devient ainsi une expérience intérieure : la joie d’être éclairé, soutenu, enveloppé d’une présence qui rassure. Elle est bien sûr aussi un éclairage rassurant sur la route : « Envoie ta lumière et ta vérité: elles me guideront, me mèneront à ta montagne sainte, jusqu’en tes Demeures » (Ps 43 (42), 3).
5. Le Christ, lumière venue dans le monde
C’est évidemment avec Jésus que la promesse de la lumière nouvelle et éternelle illuminant la terre entière s’accomplit. Au début de l’Évangile selon saint Jean, la lumière devient donc une personne. C’est la lumière du commencement. « La lumière brille dans les ténèbres » (Jn 1, 5).
Jésus est cette lumière venue pour éclairer toute personne (Jn 1, 9). Il révèle, dévoile, invite au choix de la vérité. « Je suis la lumière du monde » dit-il (Jn 8, 12) plus tard face aux foules.
Face à la lumière de Dieu, que le monde n’a pas reçue (Jn 1, 9-10), l’homme doit se positionner : rester dans les œuvres de nuit ou accueillir la clarté qui libère (Rm 13, 12). La lumière du Christ éclaire pour tout homme le chemin de la vie nouvelle.
6. Être lumière à notre tour
Puis Jésus se tourne vers ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5,14). Il ne faut pas s’étonner : Jésus partage et transmet sa propre mission avec ses apôtres et avec tous ceux qui le suivent à travers les âges. Illuminés par la lumière du Christ, ils deviennent à leur tour lumière pour le monde. Cette lumière dont les disciples sont porteurs ne doit pas être cachée, étouffée, enfermée. Une lampe, dit Jésus, se place en hauteur pour éclairer toute la maison (Mt 5, 15). La lumière est pour tous.
La vocation chrétienne est là : rayonner, éclairer, témoigner, relever, consoler. Il s’agit de faire briller aux yeux des hommes la lumière du Christ. Le chrétien doit donc agir « en pleine lumière » (Jn 3, 21), vivre en enfants de lumière (Ep 5), transmettre ce qu’il a reçu. Il n’est pas la source de la lumière, mais il reflète la lumière du Christ. C’est en fait le rôle de toute l’Église.
7. Lumière et obscurité : le combat intérieur
Mais cette mission ne va pas sans combat. Car les ténèbres sont là. La Bible est traversée par la symbolique du jour et de la nuit, par l’opposition entre la lumière et les ténèbres. Ainsi, Jacob lutte jusqu’à l’aube contre l’ange de Dieu et reçoit une bénédiction divine au lever du jour (Gn 32, 25-29).
De son côté, la Passion est traversée par les ténèbres : l’agonie de Jésus à Gethsémani et son arrestation se déroulent de nuit, les ténèbres couvrent la terre à la sixième heure jusqu’à la neuvième heure tandis que se déchire le voile du Temple.
Et c’est justement à l’aube que tout recommence. Sans être éclatant aux yeux des hommes, la Résurrection a lieu, au petit matin, dans un jardin, telle une lumière qui surgit discrètement. La lumière devient alors victoire de la vie sur la mort, de l’amour sur la peur. Le monde est délivré de la puissance des ténèbres (Col 1, 13) mais dans l’attente de la manifestation finale où il n’y aura plus de nuit (Ap 22, 5), l’homme reste aux prises d’un combat contre les ténèbres (1 Jn 1, 5-7) dans lequel il peut compter indéfectiblement sur celui qui est la vraie lumière.
8. La lumière éternelle : la vision finale
La vie éternelle, c’est justement la lumière divine en plénitude. Plusieurs passages de la Bible l’anticipent. C’est le cas par exemple de la conversion de Paul qui passe par une lumière fulgurante : elle le renverse, mais surtout l’ouvre à une vie nouvelle (Ac 9, 3). La Transfiguration de Jésus, elle aussi, dévoile un visage de lumière, annonçant la réalité de la vie éternelle auprès de Dieu. La vie éternelle, c’est de voir Dieu face à face, en pleine clarté. Tous les peuples sont conviés sur cette montagne sainte, la Jérusalem céleste, comme l’annonçait déjà Isaïe : « Maison de Jacob, allons, marchons à la lumière du Seigneur » (Is 2, 5).
Et l’Apocalypse conclut la Bible avec cet horizon lumineux de la nouvelle Jérusalem, dévoilant la gloire : « La ville n’a pas besoin de la lune ni du soleil : la gloire de Dieu l’illumine » (Ap 21, 23). Dans la nouvelle création, il n’y aura plus de nuit ; Dieu sera lumière pour toujours (Ap 22, 5). La lumière est alors accomplissement, communion, vision de Dieu : « Nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3, 1).
Conclusion : Laisser Dieu illuminer nos ténèbres
Du premier jour du monde à la Jérusalem céleste, la lumière traverse toute la Bible comme un fil conducteur. Elle dit l’initiative de Dieu, son désir de révéler, de guider, de sauver. Elle devient aussi un chemin intérieur : accueillir la lumière, discerner, avancer, espérer.
La lumière ne supprime pas aussitôt toute la nuit, mais elle la déchire et la transfigure. Elle donne sens au combat, direction à la marche, courage pour tenir debout.
L’Avent nous appelle à être des veilleurs, à guetter la lumière du Christ pour la montrer et la diffuser au monde. Portons avec joie la lumière en attendant Noël !
Bon Avent !
Pour aller plus loin sur la symbolique de la lumière, et d’autres symboles : Les symboles bibliques.
