Le jardin dans la Bible : lieu de l’alliance entre Dieu et l’homme


Tout a commencé dans un jardin, où Dieu se promène pour rencontrer l’homme qu’il a créé à son image. Dès les premières pages de la Bible, le jardin apparaît comme un lieu de vie et de communion, un lieu de l’abondance des dons divins. Dans cet espace, souvent clos, Dieu entre dans l’intimité de l’homme, même si celui-ci reste libre de se dérober et de se cacher. De la Genèse à Pâques, le jardin traverse la Bible comme un lieu de l’alliance divine. Il dit la tendresse de Dieu pour l’humanité, son désir de vivre avec elle, et son œuvre patiente de recréation.

Le jardin d’Éden : l’alliance des origines

Au commencement, Dieu plante un jardin en Éden (Gn 2,8). Il y place l’homme pour qu’il le « garde et le cultive » (2, 15). Le deuxième récit de la Création n’insiste pas tant sur le fait que Dieu est créateur (2, 4) que sur sa figure de jardinier. Il façonne un espace de beauté et d’abondance, un lieu où l’homme peut vivre en harmonie avec Lui, avec la création et avec lui-même. La création est l’alliance fondamentale, primordiale.

En effet, dans ce jardin bien irrigué (2, 10), tout est don : l’eau qui jaillit, les arbres fruitiers qui produisent en abondance, la terre féconde. Dieu donne un cadre de vie merveilleux, et l’homme en devient le gardien et le cultivateur. À l’image de Dieu, l’homme devient jardinier. Tout est harmonieux – l’homme avec les animaux qu’il nomme, l’homme et la femme qui ne font qu’une seule chair – et Dieu s’y promène « à la brise du jour » (3,8) pour rencontrer l’homme appelé à vivre dans une communion parfaite avec lui. Cette alliance est fondée sur la confiance, ce qui est symbolisé par l’interdit du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

Le jardin d’Éden est ainsi le symbole d’une humanité en paix avec Dieu dans l’alliance de la création, un idéal qui ne cesse d’habiter la foi biblique. En témoigne la vision d’Ézéchiel : « Au bord du torrent, sur les deux rives, pousseront toutes espèces d’arbres fruitiers ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne s’épuiseront pas ; ils donneront chaque mois une nouvelle récolte » (Ez 47, 12).

Le jardin du bien-aimé : l’alliance nuptiale

Malgré la Chute, le jardin reste un lieu d’alliance, que la Bible écrit parfois comme une alliance nuptiale. Dans le Cantique des cantiques, le jardin devient le lieu de la rencontre amoureuse entre le bien-aimé et sa bien-aimée. Et la tradition biblique reconnaît là l’image de l’alliance entre Dieu et son peuple. « Mon bien-aimé est descendu à son jardin […] Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi » (Ct 6, 2-3). La bien-aimée elle-même devient ce « jardin clos » : seul le bien-aimé peut accéder à son cœur, dans une relation intime et exclusive : « Tu es un jardin clos, ô mariée, ma sœur » (Ct 4, 12).

Ce thème de l’alliance nuptiale, les prophètes ne cesseront d’approfondir. Osée en est sans doute le plus grand chantre quand il présente Dieu face à son peuple comme un fiancé qui veut reconquérir sa belle : « Eh bien, moi, je vais la séduire ; je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. […] Je te fiancerai à moi pour toujours. » (Os 2, 16.21). Isaïe ou Jérémie comparent le peuple de Dieu qui revient dans la justice à un jardin que le Seigneur soigne et fait refleurir : « Le Seigneur te conduira constamment, il te rassasiera dans les lieux arides, et redonnera de la vigueur à tout ton corps. Tu seras comme un jardin abreuvé » (Is 58, 11). Le jardin devient alors signe de la promesse : Dieu prépare une terre nouvelle où son peuple pourra vivre dans la paix et la joie de son amour.

Les ruptures d’alliance

Mais le jardin n’est pas seulement le lieu de l’harmonie et de l’alliance fidèle. Il est malheureusement aussi un lieu de rupture en raison de la désobéissance et de l’infidélité des hommes. Déjà, dans le jardin d’Éden, l’alliance des origines est vite rompue par la désobéissance d’Adam et Ève. La conséquence est lourde et se manifeste immédiatement par la honte et la méfiance : ils se sentent nus et se cachent de Dieu parmi les arbres quand Dieu vient se promener (Gn 3, 8). Là où régnait la confiance, s’installe la peur.

Cette blessure traverse toute la Bible. Israël connaît les infidélités, les trahisons, les alliances rompues malgré la persévérance divine : Noé, Abraham, Moïse et les rappels des prophètes. Trop souvent, le peuple désobéit aux commandements divins et sort de l’alliance, jusqu’à subir l’épreuve effroyable de l’exil. Le jardin, qui continue à renvoyer à la perfection des origines, a perdu son éclat et se transforme parfois en un lieu où l’homme se cache pour commettre le mal ou se tourner vers les idoles (Is 65, 3). Cela se manifeste avec un douloureux éclat au cœur du jardin de Suzanne, dans le livre de Daniel. Là, une fois de plus, le jardin abrite tristement les méfaits qui germent dans le cœur de l’homme : deux anciens veulent abuser de Suzanne avant de tenter de la faire accuser puisqu’elle leur a échappé (Dn 13). Mais elle, son intégrité reste intacte.

Dans le jardin du monde, les pécheurs se mêlent donc aux justes, comme dans le champ de la parabole du bon grain et de l’ivraie. Pourtant, à travers ces échecs, demeure une attente : celle d’une alliance parfaite, que rien ne pourra plus briser. Le cœur humain aspire à ce jardin de paix où Dieu et l’homme se retrouveraient enfin, dans une communion d’amour.

Le jardin de Pâques : l’alliance nouvelle et éternelle

Cette promesse, c’est dans le mystère de Pâques qu’elle s’accomplit, à nouveau dans un jardin. L’évangéliste Jean raconte que le tombeau de Jésus se trouvait « dans un jardin » (Jn 19, 41). C’est à proximité de la croix, dans ce jardin du Golgotha qu’il est mis en terre, et c’est là qu’il ressuscite. Et lorsque Marie-Madeleine rencontre le Ressuscité en venant visiter le tombeau, elle le prend pour un jardinier (Jn 20,15). Ce détail n’est pas anodin : Jésus est bien le nouveau jardinier de la création, celui qui fait refleurir la vie après la mort.

Tout s’accomplit donc, en Jésus. L’alliance des origines est renouée dans le jardin de Pâques, puisque l’homme est réconcilié avec Dieu et avec lui-même et que l’image divine en lui est restaurée. L’alliance nuptiale est accomplie en Jésus, Époux de l’Église par sa mort et sa résurrection, comme l’écrit Paul dans sa lettre aux Éphésiens (Ep 5, 25-26). Désormais, l’alliance est éternelle : le péché ne peut plus la rompre, car elle repose sur l’amour infini du Fils de Dieu qui a donné sa vie une fois pour toutes afin de réconcilier le monde avec Dieu. Le jardin de Pâques est le signe éclatant de la création nouvelle.

Le jardin intérieur : vivre dans l’alliance

Mais le jardin  de la Bible n’est pas seulement un lieu extérieur, il est aussi une réalité intérieure, un espace spirituel où Dieu nous rejoint encore et toujours. « Leur âme sera comme un jardin arrosé » (Jr 31, 12). Les prophètes avaient annoncé la réalité spirituelle intérieure : « Je mettrai ma loi au dedans d’eux, Je l’écrirai dans leur cœur » (Jr 31, 33) ; « Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un souffle nouveau ; j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. » (Ez 36, 26).

C’est dans le secret du jardin intérieur que grandit le Royaume. Jésus le dit dans ses paraboles : le Royaume de Dieu est comme une graine de moutarde qu’un homme a jetée dans son jardin et qui grandit en secret jusqu’à devenir plus grande que toutes les autres (Lc 13, 19). Ce Royaume est déjà au-dedans de nous (Lc 17, 21), car la Parole germe dans le cœur de l’homme bien disposé, et elle porte un fruit de justice et de paix.

Le jardin intérieur est aussi le lieu du combat et de la prière, à l’image de Jésus priant dans le jardin des Oliviers, jusque dans son agonie. C’est là, dans le silence et parfois l’épreuve, que s’enracine la fidélité. Cultiver ce jardin, c’est apprendre à écouter la Parole, à attendre, à se laisser transformer, à se recueillir dans le silence, à faire le bien discrètement pour que grandisse le Royaume.

Conclusion – Le jardin de l’espérance

Tout jardinier le sait : le travail de la terre demande patience, vigilance et confiance.
Il faut arracher ce qui étouffe, arroser ce qui grandit, attendre les fruits à leur saison, et rendre grâce à Dieu pour ses bienfaits. Le jardinier est un homme qui espère. Ainsi va aussi la vie spirituelle.

Le jardin biblique nous rappelle que Dieu n’abandonne jamais son œuvre, qu’il veut faire alliance avec l’homme – avec l’humanité, et avec chacun en particulier. Il vient sans cesse rejoindre l’homme dans son jardin intérieur, pour l’appeler à la vie et à la paix. Et celui qui apprend à cultiver son cœur devient, à son tour, un témoin de l’espérance : il sait que dans son cœur, Dieu fait grandir son Royaume.

On peut découvrir ici un jardin biblique, celui de Gossau.

Le livre Le jardin de Jésus, invite à méditer les Évangiles et la vie de Jésus à partir des plantes. Car c’est à travers elles, que très souvent, il parle du Royaume et de l’alliance que Dieu fait avec l’homme.
Ce jardin de Jésus devient une invitation à cultiver notre propre cœur, à y laisser grandir la présence de Dieu et la joie de l’alliance.

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